Journal de Nuit (7)

Fin octobre 81, je suis muté à Montpellier. Mon frangin Michel nous a trouvé un appartement rue du Pont-de-Lattes, il faudra se serrer dans ses 80 m2 bruyants, où les trains entrant en gare font trembler le lit. Nous y resterons jusqu'en août 1983, époque à laquelle nous venons habiter à Pérols.

Traversant Montpellier pour la première fois, mon impression ne fut pas bonne. Elle se confirma au bureau où, au lieu de méditerranéens sympathiques, je fis l'amère constatation que la trentaine d'employés me considéraient comme un intrus. Ces gens là, confits dans leurs habitudes et leur égoïsme, étaient incapables de témoigner une quelconque amabilité. Ils étaient gouvernés par de petits chefs autoritaires et jaloux de leurs prérogatives. Quelle différence avec le bureau de poste parisien que je venais de quitter où nous étions, patrons et employés, tous copains et amis ! La désillusion provinciale me fit l'effet d'un baquet d'eau froide...

Mon frère heureusement vint contrebalancer cette mauvaise impression. Quand il commença des études littéraires, il me soumit quelques uns de ses auteurs préférés, un des premiers, Gabriel Garcia Marquez et "Cent ans de Solitude" que l'on pouvait, écrivait-il, lire à partir de n'importe quel chapitre. Je ne fus pas convaincu, et lus cette œuvre du début jusqu'à la fin, dans l'ordre naturel. Bien sûr j'en raffolais, je le relus plusieurs fois et n'eus de cesse de lire d'autres Garcia Marquez, leur trouvant l'exotisme qui manquait à ma petite vie, je lus avec appétit "L'incroyable et triste histoire d'Erendira et sa grand-mère diabolique", "Pas de Lettre pour le Colonel", "Les Funérailles de la grande Mémé"... Et finalement presque tout ce qui avait été édité de cet auteur qui fut après Louis-Ferdinand Céline, un de mes écrivains préférés.

(à suivre)