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MEMOIRES D'UN CHASSEUR DEBUTANT

20 Janvier 2018 , Rédigé par Bernard T. Publié dans #Vie d'Atelier

         A l'orée de la forêt, le mohican ôta ses sandales pour faire le moins de bruit possible sur l'herbe et son premier pas le fit malencontreusement marcher sur des piquants. Il s'écroula sur le sol, massant son pied en se retenant pour ne pas crier. Mais intérieurement il ne put s'empêcher de pousser des cris inarticulés car dès le début de la chasse, cet indigène appelé Youpanki par ses amis, venait de faire remarquer sa maladresse. Bref en bon mohican il avait poussé la bouche fermée un cri iroquois entre palais et gorge.

Il se demanda ensuite s'il pourrait rapporter une proie quelconque de la chasse, ce qui lui permit momentanément d'oublier la douleur.

Il passa en revue les animaux qu'il connaissait: l'ours, ah oui, un ours ça serait beau ! Et il se pourlécha les babines en songeant aux mille recettes que l'on pouvait faire avec un ours, et notamment les pattes d'ours farcies aux airelles et aux champignons, qui étaient son plat favori, mais aussi la salade de museaux et d'oreilles d'ours, l'ours entier à la broche et sa peau craquante badigeonnée de miel... Il avait tellement l'eau à la bouche qu'il dut s'arrêter de penser tant son estomac pleurait de désir.

Oui mais voilà, comment rapporter un ours entier au village ? Question cruciale qui le laissa béant de réflexions. Bien sûr il faudrait le vider d'abord, le débarrasser de ses poumons, de ses intestins mais garder tous les organes nobles pour les faire à la braise comme le cœur, le foie, les rognons...

Peut-être pourrait-il vivre sur la bête pendant quelques jours, lui ôter la peau pour s'en faire un chic manteau comme Youpanka le sorcier... Ou bien faire comme la hyène et le léopard, creuser un trou pour enterrer les restes, les gigots, les jambons d'ours, la langue, les joues si tendres et goûteuses dans les ragoûts...

Mais en attendant ces délicieuses agapes, il devait impérativement trouver le gibier, et le clouer d'une seule flèche bien placée. Facile à dire... Une seule flèche ? Ce n'était pas évident, mais plusieurs... ne seraient pas raisonnables, ses copains de la tribu se ficheraient de lui.

Ou alors, il faudrait qu'il s'approche assez près de la bête pour l'égorger. Mais comment le faire sans éveiller les instincts de carnassier de l'ursidé ? Le surprendre en plein sommeil hivernal, dans sa caverne sans lumière...? Cette chasse commençait à lui paraître du domaine des rêves...

Aussi, un ours... ! Comment avait-il pu penser qu'il allait tuer un ours ? L'énormité de la chose lui apparut soudain cruellement : c'était lui plutôt qui allait servir à l'ours de proie, lui que l'ours rapporterait fièrement à son village en le tenant sur son épaule musclée.

Peut-être fallait-il se rabattre sur un gibier moins glorieux certes, mais plus facile à transporter comme le ragondin, le castor, la belette ou la musaraigne... L'ennui avec ces mammifères, c'est qu'en général ils ont quatre pattes et savent s'en servir, de plus pour les surprendre en plein hivernage, ce n'est guère aisé.

C'est alors qu'une idée se mit à germer dans la cervelle de notre mohican, elle poussa telle une fleur de la prairie, grandit dans son cerveau et lui mangea bientôt la tête tellement il découvrait avec acuité la solution qui aurait du lui crever les yeux plus tôt.

Il se mit à rêver à la possibilité d'élever le gibier dans des cages, de les faire se reproduire et de tirer sa nourriture quotidienne de cet élevage. Je ferais une réserve pour les ours, une autre pour les cerfs et les biches, une pour les castors... se disait-il en se demandant quel goût pouvait bien avoir un salmis d'opossums de Virginie...

 

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