Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

AUTHENTIQUE !

4 Mai 2019 , Rédigé par Bernard T. Publié dans #Vie d'Atelier

Avoir un pouvoir peut être terriblement ennuyeux. Que l’on songe à ce malheureux qui transformait tout ce qu’il touchait en or. Il lui était devenu impossible de se nourrir et il mourut de soif !

Aussi étais-je bien ennuyé avec mon don : j’entendais toutes les pensées des personnes que je croisais. Me promener parmi la foule de la ville m’était devenu insupportable.
Au début, c’est amusant d’entendre ce que l’autre pense vraiment de soi, quand il vous assure de son amitié et vous prend les deux mains pour les serrer avec force, en son for intérieur il pense certainement « bon sang, pourquoi suis-je allé à la rencontre de ce crétin ? »

Je suis bien souvent tombé de haut lors de rencontres avec des collègues, des connaissances, des amis ou même des quidams. Il m’a fallu rapidement adopter le port du casque pour couper court aux voix que j’entendais. 

Le pire c’était lorsque nous allions assister à un concert, j’adore Bach et Schubert, je ne rate aucune de leurs apparitions ici ou là.  Mais une fois assis dans la salle, après les bruits froissés de la foule qui s’assoit et les toussotements, quand le premier mouvement se met en branle, non seulement j’entendais chaque note décortiquée à l’extrême mais elle était suivie du commentaire du chef d’orchestre, ses réflexions, ses appréciations ainsi que chaque pensée de chacun des musiciens. Les accompagnait l’horrible cacophonie mentale des auditeurs, parfois à cent lieues du spectacle, leurs coups de téléphone en cachette, leurs pensées dans leurs barbes, leurs soupirs à la sauvette, leurs moindres grincements de dents. Affreux ! Ah La la, j’en ai rapidement soupé de ces concerts ! 

Le casque m’a permis de me protéger plus ou moins des bruits supplémentaires et je suis devenu peu à peu agoraphobe non par désir, mais par nécessité. Et comme j’entendais le tapage nocturne de mes voisins de palier, il fallut déménager à la campagne. Et même là encore, allant chercher le pain chez le boulanger du village, il me fallait supporter les pensées des passants, si j’entendais cinq fois « pourquoi porte-t-il un casque, cet original … ? », c’était au moins quatre fois de trop. 

J’en étais arrivé au point où je ne supportais plus du tout mes contemporains, je restais enfermé à demeure, me faisant délivrer nourriture et boisson par porteur spécial, ce qui engageait des frais. Ne pouvant travailler à cause de mon don, je me résolus à aller trouver un fameux chirurgien qui refusa tout net de me crever les tympans et ne me l’envoya pas dire : « Dieu a créé l’homme avec des oreilles, il faut vous faire une raison ! »

- Et porter des boules quiès toute ma vie ? rétorquais-je, furieux. 

 

J’avais écrit cette simple histoire à l’atelier et je rentrais chez moi. Dans la nuit qui suivit, après avoir regardé le film « Mon Oncle » de Tati, vers quatre heures du matin, je rêvais de combats spectaculaires entre des mutants dont l’un  portait une hache qui le perçait au milieu du dos. Les autres adversaires avaient chacun un attribut étrange (épée...) dans le corps, et le héros de la bataille avait fort à faire pour se débarrasser de ses ennemis, grâce aux éclairs qui jaillissaient de ses yeux.

Au matin, je me remémorais ce rêve avec une certaine stupeur. Je n’avais regardé la veille que le film gentillet de Jacques Tati, rien qui aurait pu m’orienter sur des personnages américains à la Marvel… 

Croire que la simple suggestion de Nathalie ait suffi à m’amener dans ces zones ombreuses était incroyable pour mon esprit plutôt cartésien. 

Mais peut-être fallait-il admettre une part de bizarre dans mon cerveau, quelques cellules auraient été stimulées par l’étrangeté du scénario, comme une braise peut ranimer tout un brasier pourvu qu’on souffle dessus… ?

 

 

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article