BEAUCOUP DE BRUIT POUR RIEN (Fin)

En effet quelques jours plus tard, elle remet ses fers au feu :

-Tu les a aidés quand ils ont voulu acheter leur appartement !

- Et alors ?

- Maintenant, tu crois pas que ce serait à eux de nous aider ?

- Mais nous n'avons pas de gros besoins... ! Pas de dépenses à prévoir... cherche Antoine.

- Et l'avenir de ton fils, tu n'y penses pas peut-être ?

- Le fils, sa place est trouvée, il entrera à l'usine, comme moi !

- Et tu crois que c'est une situation, ça... ? dit Charlotte qui voit son rejeton entrer dans l'Administration, devenir qui sait... ? Inspecteur des impôts... Conseiller fiscal... Adjoint au Maire... Elle ne sait pas au juste, mais Tony sera quelque chose, un jour, elle en est sûre. Elle fera tout pour l'aider, ne serait-ce que pour faire marronner les voisins.

Or il se trouve comme cela arrive parfois, que les résultats furent repoussés à la semaine suivante, à cause du grand nombre de gagnants. Dans la famille Dorchamps, on attendit le mercredi suivant en se rongeant les ongles.

Le mercredi passant sans résultat, il fallut attendre le lendemain puis la semaine suivante. Dès lors, on s'attaqua aux doigts. Et les gagnants montrèrent quelques signes de nervosité. Certains allèrent même jusqu'à jeter des pavés dans les vitrines du tabac.

Quant à Kévin, il rentra du sport avec une côte cassée et une écorchure sur la joue. Il refusa d'avouer la dispute qui avait eu lieu dans les vestiaires. Il saurait se venger des séditieux qui l'avaient pris en traitre dans les douches.
Bernard se déplaça jusqu'au chef lieu, mais là aussi il trouva porte close, les tenanciers, prudents, avaient mis leurs employés au chômage technique.

Les journaux, toujours les premiers informés, annoncèrent une importante communication pour la semaine suivante. En effet dès le mardi, un entrefilet signalait dans La Dépêche que le directeur de la Loterie nationale allait être dès le lendemain, interrogé à la télévision sur cette crise sans précédent.

Ce jour là, tous ceux qui avaient pris un billet, eurent une excuse pour ne pas se rendre à leur travail et ils attendirent le Journal de Treize Heures en salivant d'espoir. Mais ils furent bien déçus.

Le directeur de la Loterie passa en coup de vent entre deux reportages; disant que les billets seraient remboursés car le trop grand nombre de gagnants...

Ce soir là, une sorte de mini émeute devant le bureau de tabac provoqua des vitres cassées, des poubelles renversées, quelques huées et beaucoup de bruit que la police municipale parvint à faire cesser.

Le lendemain, le Préfet dépêcha une escouade d'uniformes qui firent s'envoler tous les amateurs de manifestation.

Dès le week-end, Marie-Ange put traverser la place du marché sans entendre un seul quolibet. Peut-être avait-elle l'esprit occupé par le prix des tomates ou celui des sardines...