LA MAISON DU PENDU

 « - Alors mon Pipeau, elles sont sages ?

La chaleur est pesante, l’homme a cependant remonté le sentier pour voir comment son chien s’en tire avec les brebis, il va souvent lui tenir un peu compagnie, l’encourager car il faut reconnaître que l’animal n’aime pas rester trop longtemps seul. Lui non plus d’ailleurs.

- Tu ne t’es pas approché du mas du pendu j’espère ? Tu meurs d’envie d’aller voir mais ça ne risque pas, avoue tu as trop peur…

( le chien baisse la tête, regarde un instant le mas l’œil humide, et en guise de réponse pousse une longue plainte qui se transforme en gémissements inquiets)

• Eh bien, que se passe-t-il ?

Le chien se tapit au sol, ses pleurs redoublent.

Maintenant il regarde en direction de la bâtisse, se redresse et aboie comme pour indiquer à l’homme qu’il se passe quelque chose. L’homme comprend qu’il va lui falloir aller voir, même s’il déteste ce lieu chargé d’une histoire macabre.

Armé de son seul bâton, il s’approche de l’entrée. Les herbes ont été foulées, les toiles d’araignées laissent désormais un passage, la porte n’offre aucune résistance quand il l’ouvre. La cuisine est un peu délabrée, mais le toit a tenu bon après toutes ces années, ce qui n’est pas le cas du reste de la maison.

Cela fait 18 ans que personne n’est entré ici. Une porte claque derrière lui, le vent s’engouffre, il appelle :

- Il y a quelqu’un ?

- Oui, répond une voix d’homme, bonjour !

Stupéfait Raymond voit s’avancer un homme barbu et chevelu dont il serait bien incapable de deviner l’âge…

- Je suis Thomas Desvignes, le petit-fils d’Hubert qui a habité ici pendant 60 ans. L’avez-vous connu ?

- Le petit-fils d’Hubert ! Mon dieu, pardonnez-moi d’être entré, dans le village on dit que plus personne ne vivra jamais ici, après ce qui s’est passé en 2004…

- On se trompe fort, car justement j’ai l’intention de m’installer ici, je venais faire le tour, évaluer les travaux. Je pense refaire une partie de la toiture, agrandir du côté gauche mais je ferai abattre toute l’aile droite, là où il s’est pendu.

- Je vous comprends, c’est sinistre ces poutres apparentes maintenant.

- Oui, j’ai 3 enfants qui se chargeront de redonner de la vie à cette colline. Ils veulent des poules, des lapins, des chats et nous avons déjà trois chiens que le vôtre a déjà rencontrés et qu’il semble avoir du mal à accepter !

Entrent trois minuscules chiwawas en jappant et en montrant les crocs. Lorsque Pipeau se sauve en courant, Raymond éclate de rire :

- Ils ont dû lui dire qu’ils étaient chez eux désormais, alors il a déguerpi !

- Non, non, vous êtes toujours les bienvenus, au contraire. Et vos brebis peuvent continuer à brouter l’herbe du jardin tant qu’il n’est pas clos, c’est plus efficace que de tondre !

- Merci, à bientôt alors, bon courage pour les travaux !

- A bientôt, du courage on n’en manque pas !