Sur le Pont

Ce pont, oui ce pont sans nom, aux piliers solides, enjambait la rivière tumultueuse. Ce pont, laissait voir ses jambes nues, jambes nues aux couleurs indéfinissables. Mais que faisait-il là ?
Protégeait-il la rivière ?

Cette rivière tumultueuse avait-elle besoin d’un pont aux piliers solides, avait-elle seulement besoin d’un pont ?

Architectes, maçons ont construit ce pont. Mais quelle utilité ?

Ils n’ont pensé qu’à leur grand savoir-faire.

Oui, mais la rivière est décontenancée. Oui tout ce béton, pont et piliers, la perturbe, la dérange. Elle se sent prisonnière. Oui, prisonnière. Elle réalise qu’elle a toujours été libre, que son eau claire a caressé des jambes jeunes et moins jeunes avec toujours autant de plaisir et de bonheur.

Pourquoi ce pont ? Et de plus sans nom. Sans contrainte.

Oui, la rivière est contrariée.

Elle appréciait sa liberté, mais elle voit toujours les promeneurs du dimanche, leurs visites régulières... Certains regardent le pont sans le voir. Ce pont a vieilli. Ce pont sans âge et sans nom fait partie du décor. Cependant, il habite toujours les souvenirs de tous ces enfants qui ont joué et grandi sous ses arches.

Ce pont sans âge, vieillit avec ses visiteurs, ce pont sans nom, se souvient-il de tous ces visiteurs ? Ou seulement de ceux qui l’ont marqué, blessé – au couteau – ceux qui ont écrit leur nom, s’appropriant ce pont sans nom qui se croyait heureux.