QUEL ROLE ?

C’était au temps où l’on jouait « La vie de Jésus » sur le parvis des églises.

« Si j’étais un charpentier, si tu t’appelais Marie »

- Veux-tu être Marie ?

Mais comment pourrais-je être Marie ? Moi, l’athée, la non croyante, la pleine de crainte, de culpabilité, de cauchemars horribles, de pensées lubriques, emplie de miasmes, et non pas de Saint-Esprit, encore moins de virginité, je deviendrais en ce jour l’élue de Dieu, la promesse de l’enfantement d’un Sauveur, l’espérance d’un monde nouveau ?

- Veux-tu être Marie ?

Ne préfèrerais-je pas jouer le rôle de la bergère gardant ses agneaux, m’agenouillant humblement dans le creux de la grotte, remerciant l’étoile qui m’a menée jusque là, entonnant avec les anges un Gloria divin puis retournant rapidement à mes obligations terrestres.

- Veux-tu être Marie ?

Moi, vêtue de haillons, buvant, rotant, hurlant des injures tonitruantes ? Serais-je parée d’un vêtement bleu ciel, le front ceint d’une couronne d’étoiles, le regard exalté, les mains jointes ?

- Veux-tu être Marie ?

Moi, la vagabonde, les pieds nus, sales, sanguinolents, la S.D.F. couchée dans l’herbe, mon chien efflanqué près de moi, volant la pomme du Jardin d’Eden, les sous du tronc de l’église ?

- Veux-tu être Marie ?

Moi, la révoltée, la hargneuse, la vengeresse, avec mon envie de tout casser, de gifler, de mordre, de tuer ?

A d’autres ce rôle ! Je ne veux pas, je ne PEUX pas être Marie !