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N'EST-CE PAS ?

21 Juin 2017 , Rédigé par Marie-France Publié dans #Vie d'Atelier

Nous comptions les « n'est-ce-pas ? » qui ponctuaient toutes les explications et les démonstrations de notre professeur de Mathématiques. Elle n'était pas du Sud et cette expression répétée se réduisait à « s'pas ? ».

Nous ne répondions jamais à cette interrogation qui n'en était pas une, car nous ne pouvions remettre en cause ce qu'elle affirmait ainsi péremptoirement. L'époque n'était pas à la libre participation des élèves, du moins notre professeur ne nous y invitait pas. Et, si cela « n'était pas », notre peu d'attention à la science mathématique nous aliénait toute contestation mentale.

Nous étions jeunes et ne cherchions pas à comprendre pourquoi notre enseignante ne pouvait se passer de tous ces « s'pas ? »

Appuyait-elle ainsi ses convictions et sa confiance absolue dans les lois et les théorèmes de son enseignement ? Était-ce un impératif besoin de croire à l'efficacité de son cours ou bien s'enfermait-elle dans un monde bien ordonné pour se cacher la stupidité de ses élèves ? Car ses « s'pas ? » nous clouaient le bec, nous laissaient effarées et devaient lui renvoyer en écho des regards d'idiots du village.

Nous ne nous posions pas de questions, un peu craintives devant cette silhouette et ce visage d'une rigueur sans ombre. Mademoiselle M. était menue ; toute en nerfs, elle nous dominait de sa vivacité et du regard perçant des passionnés derrière de petites lunettes rondes. Pourtant, sans égard pour les cheveux gris qui moussaient sur sa tête, nous nous amusions du cours de Mathématiques.

En aurait-il été autrement sans tous ces « s'pas » ?

Car la formule interdit toute velléité d'opposition. À quelqu'un qui exprime son opinion sans l'accabler d'un « n'est-ce-pas ? », il vous est possible de dire votre éventuel désaccord. Mais comment répondre à celui qui vous l'assène ?

Alors, lâchement, les yeux en fuite, vous articulez un faible « Bien sûr... ». Car « n'est- ce-pas?» n'est jamais seul, il est presque toujours accompagné d'un regard conquérant, d'un port de tête assuré. On se sent tout petit devant un « n'est-ce-pas ? », on file doux, on se méfie...

Certains l'atténuent et demandent votre approbation par un « Ce n'est pas vrai ? » moins inquiétant.

Ils vous laissent une chance, timide certes, mais vous osez peut-être un : « Je ne sais pas... ». 

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