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1939

21 Septembre 2019 , Rédigé par Bernard T. Publié dans #Vie d'Atelier

J’aurai adoré faire la rentrée 1939 ! J’imagine les gamins éparpillés dans les rues du village, se courant derrière, se battant, se chipant le cartable… Ils mettent une animation dans le bourg abattu par le chagrin car devant la mairie, de grands panneaux de bois serinent la mobilisation générale en lettres grasses. 
Les gamins passent insensibles, trop jeunes pour être concernés, ils piaillent comme la volaille des basses-cours et ne se tiennent tranquilles que lors de la rencontre avec les yeux durs d’un adulte. Progressivement ils se retrouvent canalisés dans le goulet qui mène à la grille de l’école, se poursuivent encore un peu dans la cour et bloqués à l’entrée des classes, ils se mettent en rang sans hâte excessive, les plus sages devant, les braillards derrière.

Ils sont une dizaine, têtes touffues, hérissées du dernier sommeil, oreilles écartées, blouses grises, bleues, mal coupées, déchirées aux coudes, aux poignets, shorts rapetassés aux pièces larges, taillées dans un autre tissu, « parce que les enfants, ça abime tout » et les fils d’agriculteurs n’ont pas les moyens de la ville, encore bien contents si tous les boutons s’alignent sur la braguette….

Les gamins entrent en classe en se bousculant jusqu’à ce que le maître de sa grosse voix les rattrape « Allons, pressons ! » en faisant rentrer les têtes dans les cols et en chahutant le béret qui n’a pas été enlevé à temps. Il ordonne le troupeau des petits qui regagnent leurs places dans un grand remue-ménage de chaises et de tables dérangés.

Le maître surveille, l’œil sévère, les sourcils froncés. Il guette celui qui osera faire le clown sous les fourches caudines de ses yeux et abattra sur lui une main lourde de doigts.
Le clown, ce sera probablement moi. Je baisserai la tête à temps, et je m’arrangerai pour lui rendre le coup : « œil pour œil, dent pour dent » dit un proverbe arabe. Je viens d’avoir 70 ans cette année, ce n’est pas encore aujourd’hui que je me laisserai malmener par un jeune professeur des écoles d’à peine 30 ans !

 

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