MON MIRACLE

Je n’ai jamais manqué de rien. J’ai toujours eu du travail, un toit sur la tête, à manger dans mon assiette et même une voiture. Et ça m’allait bien.

Métro, boulot, bouquin (quelques pages seulement) et dodo. Samedi courses. Dimanche ménage. Et ça m’allait bien.

Quelques coups de fil d’anciens camarades de classe ou de vieux collègues de travail. Quelques nouvelles de la famille pour les anniversaires ou les fêtes. Et ça m’allait bien.

Pour moi, c’était ça la vie. Enfin, ma vie.

Pas de magasinage (pourquoi s’encombrer de superflu ?), pas de cinéma (trop seul), pas de restaurant (trop cher), pas de musée (trop loin), pas de sorties entre copains (trop solitaire), pas d’amourette (trop compliqué). Et ça m’allait bien.

Enfin… Jusqu’à ce que…

Jusqu’à ce que je rencontre Isabelle. Elle était maigre, si maigre. Et sale, si sale. Elle s’est plantée devant moi à la sortie du métro alors que je me dépêchais de rentrer chez moi car il pleuvait à verse. Je l’évitais par la droite, elle se remit devant moi, par la gauche elle fit de même. Elle m’empêchait d’avancer, me bloquait le passage. Jusqu’à ce que je m’arrête et lui demande d’assez mauvaise humeur (je vous rappelle qu’il pleuvait) : mais qu’est-ce que tu veux à la fin ? Elle se dressa sur ses pattes arrière me fixant de ses petits yeux noirs en boutons de bottines, et gémit doucement. Oh tout doucement…

J’avais le choix : ou lui mettre un bon coup de pied (je n’aurais jamais pu), ou lui dire : allez, viens ! Ce qu’elle fit. Elle me suivit en trottinant, sans plus rien réclamer. Je m’arrêtais à la superette acheter une boite de nourriture et quelques croquettes. Elle attendait gentiment à la porte et me suivit jusqu’à la maison.

 A peine mon imperméable posé, nous somme allés dans la salle de bains où nous avons pris tous les deux une bonne douche. Je l’ai séchée vigoureusement avec une serviette, puis au séchoir. C’est vrai qu’elle était belle mon Isabelle. Je n’arrêtais pas de lui parler. En lui servant à manger, en lui faisant visiter l’appartement… « Tu verras, demain c’est samedi, on ira chez le vétérinaire voir si tu n’es pas pucée, peut-être que tu manques à quelqu’un… J’espère que non ! Et puis j’irai t’acheter un beau collier et une laisse pour que nous puissions faire de grandes balades, et puis une gamelle et … ». Le soir bien sûr elle dormit à mes pieds.

Et non, elle n’était ni tatouée, ni pucée. Et je l’adoptais officiellement !

Voilà ce qui me manquait : un amour inconditionnel, comme seuls les animaux peuvent donner. Ma petite boule de superflu avait mis de la magie dans ma vie !