GOUTTE D'EAU

   Je suis la goutte d’eau aux multiples facettes. Celle qui porte en elle toutes celles du monde. Qui chante dans les torrents, de rochers en rochers, qui s’élance dans le vide au sommet des cascades, rejaillit en embruns dans la vasque finale et transforme en couleurs les rayons de soleil.

Goutte d’eau du brouillard qui coiffe les rivières ou cache les sommets au promeneur mouillé.

Je deviens invisible au fond de l’eau profonde en caressant le sable que j’avais transporté après avoir blanchi d’écume la surface, gobée par un poisson, aussitôt rejetée, source de vie régénérée dans le courant.

D’un vol léger l’oiseau vient s’abreuver et repart en creusant des sillons sur la peau du moindre coin de mare ou du moindre filet.

Parfois me voilà prise dans un réseau de glace ou de cristaux de neige attendant sans souci que le temps me libère à nouveau vers d’autres destinées.

Me voilà au désert, rarement il est vrai ; les fleurs cachées s’éveillent, les enfants sont en fête, je ne fais que passer.

Passer, avec rude violence quand le tonnerre gronde et j’emporte les digues ; les falaises de terre deviennent des rivières et mêlée à la boue je dévaste la Terre.

Perdue dans les nuages, traversant les montagnes, distribuant la vie ou répandant la mort, avec toutes mes sœurs je finirai un jour dans la mer infinie pour revenir encore.