La Crèche des Treize Noëls

Chaque année, ma compagne a pris l’habitude de faire la crèche ; nous avons acheté les personnages petit à petit, le berger avec l’agneau sur les épaules, le meunier avec son sac de farine, le vieux Papé qui tient son chapeau à cause du vent, les danseuses d’Arles qui nous font penser à la « Danse des Treilles », une bien jolie tradition dans les villes & villages de vignerons, les gitans à la guitare, au tambourin, les Rois mage, le facteur, le forgeron, le peintre qui représentent les jolis métiers d’autrefois, puis les animaux, l’âne, le bœuf mais aussi le chameau, les moutons et les brebis.

         Sur la petite commode dans l’entrée, les personnages sont placés dans les découpes et formes d’un papier marron qui figure au choix le désert ou la montagne, ça et là un arbre, une fontaine, une bergerie, un moulin en carton animent le décor, et bien sûr sous quatre planches et deux étais patientent la Sainte-Vierge et Saint-Joseph en attente du grand soir, la naissance du petit Jésus qu’il faut poser dans la paille de son berceau le 24 décembre à minuit.

         Je suis athée mais cette crèche a quelque chose de rassurant sans doute pour ceux qui la regardent, qui ne peuvent éviter de la voir puisque nous passons dans ce couloir cent fois dans la journée. Elle a aussi un autre but, celui de nous faire penser aux valeurs importantes de la vie, sans l’eau de la fontaine – l’eau qu’il faut économiser – sans la farine, sans le blé, nous ne pourrions pas vivre. Elle nous relie aussi aux lointaines époques du moyen-âge quand chaque quidam emportait avec soi en voyage, un portrait du Christ ou des saints pour pouvoir prier dans les auberges, ou sur les lieux de campement…

         La récompense du 25 décembre, ce sont les 13 desserts provençaux, que mon épouse  sert régulièrement sur un plateau : il y a toutes ces bonnes choses en chocolat, les orangettes, les abricots, les figues sèches, les noix, les fruits en pâte d'amande, les clémentines, les caramels, les pâtes de fruits, les calissons, les marrons glacés... Ils sont bien treize, je ne peux pas tous les citer, je ne m’en souviens pas. Je n'ai touché à rien du tout au repas de midi, mais le soir j'ai voulu goûter un marron glacé, un chocolat Léonidas, un petit calisson...  Mais vroutt ! Tout avait disparu dans les placards (lesquels ? Mystère !) "pour la semaine prochaine !" m’a-t-on asséné. Vous pensez si j’ai fait triste figure, il a fallu que je morde dans une tablette de chocolat ordinaire ; celui là, mon épouse ne l’avait pas caché, pardi, comme il est moins bon...