LETTRE ANONYME POUR DENONCER LES AGISSEMENTS D'UN PETIT ANIMAL

Monsieur le député,

Il y a plus de trois siècles, par l’intermédiaire d’un fabuliste alors bien en cour à Vaux-le-Vicomte, mon arrière-arrière-grand-oncle avait sollicité l’intervention des services royaux contre les agissements d’une espèce de grenouilles particulièrement sottes qui voulaient se faire plus grosses que les bœufs.

Aujourd’hui, une animatrice d’atelier d’écriture qui ne recule devant aucune proposition saugrenue, me suggère d’écrire une lettre anonyme. Jamais, je n’aurais pris cette décision de mon propre chef. Par la présente donc, je demande aux services vétérinaires compétents, régionaux ou départementaux, de débarrasser la zone montpelliéraine, infestée de grenouilles dite de Montpellier dans les ouvrages concernant la faune française, bref, de « dégrenouiller » la région.

En effet, tous les printemps, dans la moindre flaque d’eau, le plus petit bassin de la plus minable des maisons de ville, dans les étangs démoustiqués ou non, dans les piscines pourtant chlorées, ces toutes petites bestioles se multiplient et occupent le terrain déserté depuis quelques années par les moustiques. Vous me direz que la grenouille est moins nocive que le moustique. Détrompez-vous. N’en ai-je pas trouvé dans ma baignoire ? C’est donc qu’elle a déjà envahi les tuyauteries. Quels dégâts sont à prévoir ? En rentrant tard dans la nuit, j’ai saisi dans les phares de mon véhicule que j’engageais dans le garage, une troupe, un troupeau, que dit-on pour des grenouilles, un tas de ces bestioles gigoteuses : j’ai failli lâcher le volant de surprise ! Et que dire de leurs ébats nocturnes, bruyants et discordants qui perturbent le repos nécessaire aux travailleurs. Vous me dites de fermer les fenêtres ! Cela obligerait à utiliser la climatisation dans les appartements et immeubles ; or vous n’êtes pas sans savoir que le gouvernement a engagé notre pays dans des économies d’énergie.

Je respecte cette initiative et vous prie donc de donner une suite favorable à ma demande ; dans le cas contraire, je créerais un mouvement « en marche contre les grenouilles » qui, associé aux « en marche contre… » qui se développent en cette période pré-législatives, pourrait nuire à votre réélection dans notre département.